Intégration de l'IA dans les ESSMS : quelles potentialités ?
Dir IPS détaille comment l’IA peut faciliter le quotidien des différentes parties prenantes des ESSMS et structures de santé : l’établissement ou service, les intervenants internes ou externes, les usagers ou leurs responsables légaux ainsi que leurs proches.
Dans notre article précédent Intégration de l’IA dans les ESSMS : quels points d’attention ?, nous avons abordé :
- les spécificités de l’IA, dont la plus importante est probablement la capacité d’autoapprentissage ;
- les technologies qui sous-tendent l’intelligence artificielle ;
- les points sur lesquels porter l’attention pour une IA éthique et sure.
Nous y avons également évoqué brièvement comme l’IA peut faciliter le quotidien des ESSMS et des établissements de santé. C’est cet aspect que nous détaillons ici au niveau des différentes parties prenantes : la structure, les professionnels, les usagers et leur famille, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité.
Optimisation par l’IA de la gestion des ESSMS
De la planification des ressources à la gestion administrative et budgétaire, en passant par l’anticipation des entrées et des besoins et par l’évaluation du service, l’IA peut rendre bien des services au niveau de la gestion des ESSMS et des établissements de santé. Sans oublier la sécurité !
Anticipation de l’activité
L’analyse prédictive pour l’admission des usagers et la planification des places ou lits peuvent se voir optimisées par les technologies IA, notamment à partir des données d’admission dans les urgences hospitalières ou à partir des flux des usagers (entrée, sortie) en EHPAD, ou autres établissements.
En suivant et analysant l’évolution des enfants, notamment dans les dispositifs de placement ou de suivi de jeunes en difficulté, l’IA permet d’identifier des tendances dans le développement de ces jeunes. Elle peut analyser des entretiens ou des rapports familiaux afin de détecter des signes de dysfonctionnements familiaux. Ceci permet d’anticiper des besoins particuliers, comme des placements ou des accompagnements spécifiques, avec tout ce que cela impose ensuite en termes de budget, de ressources et de planification.
Planification des ressources
L’IA peut faciliter la gestion des ressources humaines par l’optimisation des plannings des professionnels, des rotations et des horaires, en tenant compte de l’environnement : charge et habitudes de travail, besoins des usagers, fluctuations des demandes, optimisation des déplacements, etc. qu’elle apprend à connaître à partir de l’historique des données et des échanges entre collaborateurs.
L’IA peut aider à la planification des activités, des soins et des interventions auprès des usagers, en minimisant les coûts et en optimisant l’occupation des professionnels.
Elle peut aussi améliorer la gestion des ressources matérielles (salles, véhicules) et des stocks (denrées alimentaires, fournitures, médicaments) réduisant ainsi les risques de manque ou de surplus. Elle peut anticiper les moments où des ressources supplémentaires sont nécessaires, en fonction des besoins identifiés dans les parcours de soins ou d’accompagnement.
L’IA s’avère ainsi une aide précieuse dans la planification de l’ensemble des ressources. En mars 2025, le Duel IA de l’ANAP a d’ailleurs vu 19 cadres de santé tenter d’élaborer le meilleur planning en s’aidant pour la moitié d’IA. Pour le jury constitué de professionnels, quatre des cinq meilleurs plannings avaient été réalisés avec l’IA.
Gestion administrative et budgétaire
L’IA peut aider les ESSMS dans leur gestion administrative, notamment en automatisant la gestion des dossiers des usagers, ainsi qu’en simplifiant la collecte, l’organisation et l’archivage des informations administratives et médicales.
La gestion budgétaire peut aussi bénéficier des apports de l’IA. Gestionnaire , logiciel Dir IPS, intègre l’IA pour la classification automatique des comptes d’immobilisation. Ainsi, même si la personne qui renseigne un projet d’investissement est dépourvue de connaissances comptables, les plans pluriannuels d’investissement (PPI) et les plans de financement seront sécurisés.
L’intelligence artificielle de Gestionnaire permet également d’estimer lecoût d’un projet, quel qu’il soit. Le module de calcul de coûts peut être testé par chacun jusqu’au 31 mai 2025. N’hésitez pas à le découvrir et à nous faire vos retours avant le 31 mai 2025.
Qualité de service et amélioration continue
Les systèmes d’IA peuvent entre les usagers et les professionnels pour repérer des signes de conflits ou de stress au quotidien, ce qui peut aider à revoir l’accompagnement et à développer des stratégies pour améliorer le bien-être général et prévenir tout risque de déviance et de maltraitance.
L’IA peut réaliser une veille qui, selon son objet, permettra d’améliorer le respect de la réglementation tout comme la mise en place de nouvelles technologies de soins, de nouveaux principes d’accompagnement ou de procédures qualité.
La solution Illuin Search, par exemple, permet de trouver à partir d’un mot ou d’une question des informations non structurées dans une base de documents. Cette solution permet d’obtenir rapidement au sein des services la bonne information au bon moment.
L’intelligence artificielle peut également analyser les retours des usagers et de leurs familles (analyse de verbatim grâce au NPL par exemple) et en déduire, à partir de différentes sources, leur satisfaction tant au niveau des soins que des accompagnements. En favorisant la compréhension des attentes usagers et de leur famille, l’IA constitue ainsi un outil de l’amélioration continue.
Système d’information et cybersécurité
L’IA peut permettre la détection automatique d’anomalies ou de menaces dans les systèmes d’information (SI).
Dans son Observatoire des usages de l’IA en santé, l’Anap fait référence à la solution Darktrace qui utilise le Machine Learning non supervisé pour développer une compréhension de ce qui constitue une situation normale et ce qui ne l’est pas.
L’apport de l’IA aux professionnels des ESSMS
Avoir du temps et l’état d’esprit pour se consacrer entièrement et pleinement aux usagers sont sans doute des problématiques essentielles des professionnels des ESSMS. En cela l’IA peut aider, tout comme elle peut être utile à la proposition et à la mise en place, par les professionnels, de réponses toujours adaptées et pertinentes.
Formation des professionnels
L’IA peut être utilisée pour concevoir des modules de formation interactifs et adaptés aux besoins du personnel, en fonction de leur profil et de leur expérience.
Des outils de réalité virtuelle ou augmentée peuvent aussi être utilisés pour simuler des situations d’accompagnement ou de soin dans des contextes complexes (soins palliatifs, troubles du comportement, etc.), ce qui permet d’entraîner les professionnels.
Notamment, dans les établissements de santé, l’apport de l’IA est indéniable pour les pratiques chirurgicales avec la réalité augmentée qui permet de visualiser les organes, ou encore les simulateurs d’intervention. La solution Visible Patient déployée depuis septembre 2022 utilise l’IA pour réaliser des jumeaux numériques des poumons des patients, ce qui permet entre autres d’anticiper les particularités anatomiques du patient et de simuler les effets chirurgicaux sur l’organe.
Réalisation des tâches administratives ou répétitives
De nombreuses solutions, dont certaines basées sur l’IA, soulagent les professionnels des tâches répétitives ou administratives. Les professionnels ont ainsi du temps libéré pour se concentrer sur leur cœur de métier. Ils passent davantage de temps à l’accompagnement humain des usagers et aux interactions fines avec les personnes qu’ils prennent en charge.
Fiabilisation des réponses et aide à la décision
Les professionnels peuvent bénéficier d’outils d’IA pour répondre aux demandes des usagers et prendre des décisions éclairées, en particulier dans des situations complexes.
L’IA Albert , opérationnelle dans le secteur public français depuis 2023, est capable de générer des réponses précises basées sur les bases de données de service-public.fr. Elle guide les agents des maisons France Services dans leur travail quotidien et leur fournit des références vérifiées permettant d’appuyer les décisions, sécurisant ainsi les professionnels dans leurs réponses, dont la responsabilité finale leur incombe.
Dans les ESSMS, l’IA peut suggérer des stratégies d’intervention adaptées en fonction de l’analyse du profil de l’usager et de ses données comportementales ou de santé ainsi que des évaluations effectuées par l’usager et sa famille. Elle peut orienter vers un placement approprié en fonction du contexte. L’IA peut également alerter sur des situations à risque ou sur des stratégies qui paraissent inhabituelles en fonction du contexte.
Facilitation des restitutions et de la communication
L’IA peut structurer, qualifier et rendre accessibles les données des usagers pour ensuite faciliter le partage sécurisé d’informations entre les différents professionnels impliqués (éducateurs, psychologues, travailleurs sociaux, médecins).
À titre d’exemples, l’IA Albert rédige des synthèses et l’IA Nabla automatise la production des comptes rendus médicaux. Pour cette dernière, une reconnaissance vocale retranscrit les consultations qu’elles soient en présence ou à distance (vidéo). Puis, la solution reformule les éléments en les restructurant dans une restitution normée qui décrit le motif de la venue, les antécédents, etc.
Soutien aux professionnels
L’IA peut être utilisée pour aider le personnel dans la gestion du stress et de l’épuisement professionnel, en proposant des solutions personnalisées pour améliorer leur bien-être, comme des programmes de relaxation ou de gestion du temps.
Apport de l’IA dans l’accompagnement des usagers
Grâce à l’analyse des données sociales, médicales et comportementales des patients, l’IA peut aider à proposer un accompagnement et des soins personnalisés tenant compte des spécificités de chaque usager, dont des troubles spécifiques (autisme, trouble de l’attention par exemple chez les enfants) dont elle aurait appuyé la détection. Elle peut également détecter des signes précoces de modification d’un état dit « de base » ainsi que prévoir l’évolution, ce qui permet d’adapter rapidement la prise en charge et d’anticiper le long terme, avec toujours comme objectif : le bien-être de l’usager et le développement du lien social, que ce soit entre usagers ou avec la famille.
Aide à l’autonomie et à l’inclusion des usagers
Les programmes de réadaptation et de rééducation peuvent intégrer l’IA. Ainsi, la rééducation assistée par IA offre des exercices personnalisés aidant à retrouver, à améliorer la mobilité ou à maintenir la coordination ou d’autres capacités physiques après un accident ou une maladie.
Les assistants virtuels et les robots développés grâce à l’IA peuvent constituer un appui précieux dans le quotidien des personnes âgées ou en situation de handicap, tant dans le rappel (prise de médicaments ou de repas, visites) que la réalisation de tâches (transport d’objets) ou le déplacement (fauteuil roulant intelligent).
Des interfaces basées sur l’IA proposent des activités de stimulation cognitive, comme des jeux, de la musique ou des exercices mentaux, en les adaptant aux usagers. Des thérapies cognitives et comportementales basées sur l’IA peuvent permettre l’acquisition de compétences sociales ou émotionnelles, notamment chez les usagers présentant des troubles du spectre autistique, des troubles anxieux ou des troubles de l’humeur. Des robots éducatifs ou sociaux aident les personnes en difficulté à se développer socialement, émotionnellement ou cognitivement, en leur offrant un environnement sécurisant et un cadre contrôlé. Ils peuvent être un lien avec la classe pour des enfants malades ou stimuler l’engagement social d’usagers.
Les technologies de communication augmentée et alternative peuvent faciliter les échanges pour les personnes ayant des difficultés à s’exprimer verbalement, comme les enfants atteints de paralysie cérébrale.
L’IA peut rendre les environnements numériques accessibles à différents publics des ESSMS, notamment grâce à des outils de traduction en langage des signes, des logiciels de lecture pour les personnes malvoyantes, ou des technologies d’adaptation du contenu pour celles ayant des troubles cognitifs.
Suivi de l’état de santé et du comportement des usagers
Intégrée à des dispositifs de suivi à distance, l’IA permet de surveiller en temps réel l’état de santé des patients (fréquence cardiaque, pression artérielle, température, niveaux d’oxygène), d’analyser des situations à risque et d’envoyer des alertes en cas d’anomalies.
L’IA, associée à des capteurs de mouvement peut analyser les habitudes de marche et les comportements des usagers en EHPAD ou pris en charge par les SAAD par exemple, pour prédire les risques de chutes. Des mesures préventives peuvent alors être prises et l’environnement adapté.
Par l’analyse du comportement des usagers (habitudes de sommeil et de repas, réponses verbales, interactions sociales, activités, etc.), l’IA peut permettre de détecter des signes précoces de démence ou d’autres troubles cognitifs, comme des états de mal-être, de dépression, de stress, ou d’anxiété. Cela permet d’adapter rapidement l’accompagnement et les soins.
L’IA en appui aux familles
Les applications basées sur l’IA peuvent faciliter les interactions entre la famille et l’usager, que ce dernier soit placé dans un établissement ou à domicile. Elles peuvent également faciliter le suivi et la compréhension par les familles de l’évolution de l’usager.
Grace à l’intelligence artificielle, les proches peuvent obtenir des conseils sur les meilleures attitudes ou pratiques à développer et trouver des ressources supplémentaires.
Pour conclure
L’IA a des potentialités énormes au sein des ESSMS, d’autant que d’autres sont certainement encore à découvrir. Gain de temps et sécurisation des process sont des atouts indéniables pour ces structures très contraintes. Sa capacité d’apprentissage lui permet de s’adapter au contexte et de toujours progresser.
À condition que le respect de l’éthique soit un guide de sa conception à son utilisation. Biais algorithmiques, gestion des données personnelles, formation des professionnels, équité dans l’accès à ces technologies sont autant de points d’attention que nous avons abordés précédemment et sur lesquels nous vous invitons à réfléchir en amont de toute utilisation d’IA.
La notion de la responsabilité est aussi à se poser, en cas d’une utilisation de l’IA. Notamment, dans l’image générée sous CANVA, une erreur s’est glissée. Saurez-vous la retrouver ? Qui en porte la responsabilité ?
Par Dir IPS, le 13 mai 2025.